La planète croûle sous les mégots de cigarette
Un nombre qui se passe de commentaires : quelques 4 500 milliards de mégots de cigarette finissent dans la nature chaque année. Cela correspond à 137 000 mégots jetés par seconde ! Ce qui en fait le déchet le plus commun au monde. Aux Etats-Unis, ils comptent pour 1/3 du total annuel de déchets ramassés.
Un déchet banal ? Loin s’en faut. Toxiques et non biodégradables, les mégots de cigarette sont une source majeure de pollution. Il s’avère difficile de gérer ce genre de déchet : jetés à l’improviste, n’importe où et à n’importe quel moment, les mégots échappent facilement aux services de ramassage… quand ceux-ci existent. En pleine nature, en effet, il n’y a pas de ramassage des déchets.
Cette problématique couvre ainsi plusieurs problèmes : le gaspillage de l’argent public qui doit mettre en place des solutions de ramassage, mais aussi le problème majeur de la pollution de l’environnement.
Pour rappel, la cigarette est également un fléau sanitaire, et se trouve être responsable de nombreuses affections, parmi lesquelles les cancers du poumon, de la gorge, ou encore les maladies cardio-vasculaires. Tous les ans, le tabagisme entraîne la mort de 73 000 personnes en France, et de 7 millions de personnes de par le monde. Parmi elles, des fumeurs invétérés, des fumeurs occasionnels, ainsi que des victimes du tabagisme passif.
Les populations pauvres sont particulièrement touchées. Dans les pays du Sud, l’industrie du tabac freine le développement et affaiblit l’économie. Les frais de santé, pour soigner les maladies induites par le tabagisme, s’ajoutent au prix des cigarettes. De plus, les tabaculteurs, qui alimentent l’industrie, sont souvent mal rémunérés. Depuis quelques années, enfin, on commence à pointer du doigt l’impact environnemental des cigarettes.
Le filtre de cigarette, principal coupable
Autopsie d’un mégot : filtre et produits toxiques
Après consommation, ne reste de la cigarette qu’une petite partie, le mégot, où se trouve notamment le filtre. Les filtres ont été introduits par l’industrie du tabac dans les années 50. Ils servent à retenir la nicotine et le goudron pendant que le consommateur fume, pour diminuer les taux absorbés par l’organisme. Sont-ils donc efficaces, ou utiles ? En réalité, on s’est aperçu que les fumeurs se sont mis à tirer encore plus sur leur cigarette, ce qui contrebalance l’action du filtre.
On trouve dans la cigarette pas moins de 4 000 substances, dont 250 sont nocives pour la santé et 50 sont cancérigènes. Une bonne partie de ces substances s’accumulent petit à petit dans le filtre. Les mégots contiennent donc une grande variété de produits toxiques : nicotine, traces de pesticides, phénols, ammoniaque, cadmium, arsenic et autres métaux lourds, tels le mercure ou le plomb, etc.
Le mégot, un déchet non biodégradable
Les mégots ne sont pas biodégradables, seul l’est le papier qui les entourent. Car contrairement à leur apparence, les filtres ne sont pas en coton, mais en acétate de cellulose. C’est une matière plastique, qui sert à fabriquer des lunettes de soleil par exemple. Ils sont photodégradables, c’est-à-dire qu’ils se décomposent en des milliers de particules micro-plastiques lorsqu’ils sont exposés aux rayons ultraviolets du soleil. Ils mettent jusqu’à 15 ans pour se dégrader de la sorte, selon les conditions du milieu, à savoir les qualités du sol et la météo.
Pendant ce temps, tous les produits chimiques contenus dans les filtres, intacts, se diluent dans l’eau ou se répandent dans le sol. Le mégot participe donc directement à la contamination des sols et de l’eau. Autrement dit, il est la source d’un empoisonnement de l’environnement.
L’environnement intoxiqué
Un danger pour la faune et la flore
Les mégots de cigarettes parsèment les rues de nos villes. Cette pollution urbaine, qui n’est pas très esthétique d’abord, est aussi très dangereuse pour les enfants trop curieux, les animaux domestiques, les oiseaux.
Il suffit d’un coup de vent ou d’un peu de pluie pour que les mégots plongent dans le réseau d’égouts. Ils terminent généralement dans les rivières et les océans, où les vagues les ramènent parfois sur les plages. Ces dernières se trouvent par ailleurs déjà infestées de mégots. Lors d’une campagne de nettoyage réalisée sur les plages marseillaises, 25 000 de ces déchets ont été ramassés en une journée.
Garnis de fibres plastiques et de produits nocifs, les mégots font souffrir ’écosystème. Une pollution que l’on cerne mieux en chiffres. Un seul mégot peut polluer :
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1 L d’eau douce ou salée, décimant la moitié des petits poissons présents.
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Entre 300 et 500 L d’eau potable, qui deviennent alors impropres à la consommation.
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1 m3 de neige. Les sports d’hiver sont tout à coup moins attrayants.
La pollution marine due aux mégots est particulièrement inquiétante. Ils peuvent provoquer la mort des poissons par ingestion. Ceux-ci confondent les mégots avec leur nourriture. En plus du danger d’intoxication, les poissons qui avalent des bouts de cigarette ont une fausse impression de satiété, ne s’alimentent plus suffisamment et souffrent de sous-nutrition.
Cause notable de feux de forêts
Dans les campagnes, on est souvent amené à observer des comportements se souciant peu de l’écologie : les conducteurs jettent leurs mégots par la fenêtre de leur voiture et les randonneurs s’en débarrassent au détour d’un sentier. Ces mauvaises habitudes ne sont pas sans conséquences.
Les cigarettes, lorsqu’elles sont mal éteintes, peuvent provoquer des incendies, surtout en période de fortes chaleurs et de sécheresse. Ce risque est à prendre au sérieux, car une fois sur deux c’est un individu imprudent qui est à l’origine d’un départ de feu. Seuls 2% des incendies de forêts sont imputables aux causes naturelles, essentiellement la foudre.
Tous les ans en France, des milliers d’hectares de forêts disparaissent dans les flammes. Les feux de forêts relâchent des gaz à effet de serre (dioxyde de carbone et méthane) dans l’atmosphère, et privent la planète de surfaces boisées lui permettant de respirer. Cela n’aide en rien la lutte contre le réchauffement climatique, détruit l’environnement et parfois les habitations de nos concitoyens.
Prise de conscience et gestion des déchets
Diverses mesures envisagées
L’industrie du tabac, les autorités ou simplement des personnes soucieuses de l’environnement, proposent des solutions pour en finir avec le problème des mégots.
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Remplacer les filtres actuels par des filtres biodégradables. Même si cette initiative pourrait avoir tendance à déculpabiliser les fumeurs de jeter leurs mégots.
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Planter un arbre en jetant son mégot ! Ceci grâce à des filtres biodégradables renfermant une graine. Une invention qui fait sourire, que l’on doit à KARMA Tips, une entreprise indienne. Le risque, à nouveau, est de tolérer les mégots dans la nature.
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Sensibiliser les fumeurs à la pollution environnementale, en lançant des campagnes d’information, ou encore avec des messages sur les paquets de cigarette. Cette initiative est une des plus solides aujourd’hui. Jeter son mégot est devenu un réflexe, que la présence quotidienne de cendriers ne parvient pas à changer.
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Instaurer des plages sans tabac. C’est le cas à San Diego, par exemple, et sur une vingtaine de plages en France. Même esprit, autre méthode : certaines villes, telles Toulon et Monaco, distribuent des cendriers réutilisables, voire biodégradables, dans le cadre d’opérations plages propres.
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Punir avec des amendes. Un fumeur risque 68 à 180 € d’amende pour un mégot jeté dans les rues de Paris ou de Cannes, tandis que fumer tout en dorant sur le sable peut être sanctionné de 11 à 17 €, selon les plages.
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Instaurer une taxe environnementale sur les cigarettes, en tant que produit polluant. Cette taxe serait prélevée à la source, à savoir sur les bénéfices des fabricants, et s’élèverait à 0,05 centimes par cigarette, soit 1 centime par paquet de vingt. Elle compenserait les coûts de ramassage et de traitement des déchets.
Une filière en développement : le recyclage des mégots
Les initiatives pour recycler et valoriser les mégots sont encore à leur début. TerraCycle, Green Minded, Cy-clope, sont autant de noms impliqués dans la collecte des mégots dans les rues françaises, à la sortie des entreprises ou dans les restaurants.
La matière organique (papier, tabac et cendre) peut devenir du compost exploitable dans l’aménagement paysager. Quant aux filtres, transformés en plaques ou en billes de plastiques, ils peuvent servir de bien des façons : construction, isolation, bancs, cendriers, et même vêtements ! Un designer chilien a en effet eu l’idée de recycler les mégots en vêtements.
Le recyclage est en marche. Le problème est-il donc réglé ? Absolument pas. Les cigarettes n’apparaissent pas entre les mains des fumeurs par magie. Tout le processus de fabrication des cigarettes est nocif pour l’environnement. La production du tabac est synonyme d’engrais, de pesticides, de déforestation, de réchauffement climatique, de transport des marchandises… La liste est longue.
La cigarette n’a malheureusement pas fini de nuire à notre santé et à notre planète. On ne peut donc que conseiller aux fumeurs de bannir la cigarette.
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